Un squelette baladeur ou les aventures des reliques de saint Germain de Moutier-Grandval

Dès le martyr de Germain, vers 675, ce dernier est considéré comme un saint et son corps est enterré en l’église St-Pierre du couvent, aujourd’hui disparue et située à Moutier. Lors des quatre siècles suivants, le squelette a sans aucun doute été déplacé en lien avec les (re)constructions des églises du couvent, dont on ne sait hélas quasi rien. Ce qui est sûr, c’est que le sépulcre de Germain est installé dans la nouvelle église romane construite probablement vers le milieu du 11^e siècle ou peu après sur le site de l’actuelle collégiale (rebâtie au 19^e siècle), où il aurait dû séjourner en paix pour l’éternité, n’étaient les aléas de l’histoire. En 1477, pour répondre au soupçon des fidèles, déçus par l’absence de miracles, les chanoines doivent démontrer qu’ils détiennent toujours la sainte dépouille, ce qu’ils prouvent en ouvrant solennellement son tombeau situé derrière le maître-autel. Le repos de Germain est encore une fois troublé lors de la guerre de Souabe, qui voit les soudards impériaux bombarder l’intérieur de l’église ! À peine cette dernière restaurée, voici que la Réforme contraint les chanoines à exfiltrer clandestinement et nuitamment les squelettes de Germain et de Randoald – juste avant le sac de la collégiale. Les deux corps seront conservés dans la sacristie de St-Marcel de Delémont, puis exposés dès 1705 dans des châsses transparentes situées dans le chœur, une localisation qu’ils conservent après la reconstruction de l’église en 1767. Mais la Révolution contraint les deux saints à fuir à Courrendlin en 1793, puis Soleure en 1797… Ce n’est qu’en 1805 qu’ils retrouvent leurs niches respectives dans Saint-Marcel, où ils sont encore aujourd’hui et où on leur souhaite un repos éternel.

Conférence présentée dans le cadre du programme d’animation de l’exposition temporaire "Sur les traces d’un chef-d’œuvre : la Bible de Moutier-Grandval", Musée jurassien d’art et d’histoire, 8 mars – 8 juin 2025